Coup de foudre à l'aveuglette
Depuis maintenant deux jours je discute assidûment avec un homme sur èmessène, enfin non, rectification, il parle et je réponds… quand je trouve quoi répondre. Il fait partie des hommes qui font de ce proverbe l’amour rend aveugle une réalité bien effrayante. Vous savez ces hommes qui en connaissent un minimum sur vous et qui sont déjà en train de choisir le prénom de vos futurs enfants et vous demandent si votre petit frère pourrait s’entendre avec sa cousine en vue de les asseoir côte à côte pendant le repas de noces (c’est bien connu, pendant les mariages on fait des rencontres).
Si vous avez déjà tenté votre chance par Internet vous savez forcément de quoi je veux parler.
Il y a ceux que vous voyez venir de très loin, et que vous savez éviter soigneusement, votre looooongue expérience vous aura appris à les reconnaître. Et il y a les petits malins qui grugent. Qui se dévoilent pas de suite. Et qui finissent par vous exaspérer à petit feu.
J’avais 19 ans et j’étais étudiante, je logeais en studio. Moins de 20 ans, célibataire, indépendante... vous pouvez vous imaginer quelle fille sage je pouvais être. Entre deux cours, j’allais dans la salle réseau pour surfer sur Internet. C’était en 99/00, la salle réseau à l’époque consistait en une pièce mal aérée et constamment surchargée de 16 pécés ancestraux et de deux fois plus d’élèves aglutinés aux écrans. A la base le concept partait d’une super bonne idée : permettres aux élèves de faire des recherches sur Ternet pour leurs cours, et finir leur travail informatique pour les élèves de BTS (Brevet de Taré Supérieur). Mais la salle est très vite devenue une salle de tchat, véritable annexe de C*ramail en Lorraine, si bien qu’un élève qui y bossait était considéré comme un alien. Quant à moi je faisais partie de la population terrienne. Le lundi j’ai fait la connaissance virtuelle d’un homme charmant à tout point de vue, et je lui ai fait une fleur, je lui ai donné mon numéro de portable et de fixe (wé je sais je suis une folle inconsciente !). Le lundi soir il m’appelle « qu’est ce que tu as fait de ta journée ? Et qu’est ce que tu manges ? Et qu’est ce que tu fais ce soir ? Et qu’est ce que tu fais demain ? »… Déjà j’aime pas les interrogatoires ! Je me suis débarrassée de ma mère, c’est pas pour me coltiner un gars qui veut une copie de mon agenda alors qu’il vit à 500 bornes. Le lendemain soir rebelotte.
- J’ai pensé à toi tooouuute la journée !
(Ah wé ? Moi j’ai bien failli t’oublier ! Entre les cours, les devoirs, les potes… j’avais autre chose à foutre tu vois !)
- …
- Qu’est ce que tu fais demain ? »
- Demain je vais déjeuner avec des amis, et faire du lêche-vitrine (version fauchée du shopping) [réponse honnête].
- Avec qui ? (trémollo de jalousie dans la voix)
- (Voix super enthousiaste !) Une copine et un pote de cours !
- (Au bord de la crise cardiaque) Un gars ? kissé ???
- Un pote… chuis en cours avec lui !
- (A deux doigts d’appeler les urgences) Mais tu vas manger avec lui ?
Il doit faire partie de la même boîte que le cirque.
- Beh wé ! (je fromente déjà mon plan pour le lendemain)
- Tu vas pas faire de bêtises avec lui j’espère ?
- Oooooh nooon rassure toi, ce n’est qu’un pote ! (toi demain j’te fume !)
Le lendemain je mange avec mes amis (de l’époque), et dans le milieu de l’après-midi je rentre en traînant les pieds sagement chez moi jouer au solitaire réviser.
Le fixe sonne à l’heure habituelle (trop prévisible le gars), je fais la sourde oreille… Il va tenter de m’appeler toute la soirée jusque 22h à raison d’une tentative par demi-heure. Le portable est en silencieux, et j’ai bien dû passer la barre des 20 appels en absence.
Le lendemain il rappelle. Cette fois je décroche. Il est tellement fou de bonheur de m’entendre qu’il en oublie d’être poli :
- P*tain t’étais où hier soir ? J’ai pas arrêté de t’appeler !
- Bin j’t’ai dit avec mes amis !
- Mais hier soir b*rdel ???
- Bin pareil.
- Quoi ? Vous avez aussi passé la soirée ensemble ? Tous les trois ?
- Ah nooon… Pas tous les trois ! Seulement moi et mon pote…
- Mais vous avez fait quoi ??? Et pourquoi tu répondais pas sur le portable ???
- Le portable j’l’ai mis en silencieux. C’est moins embêtant pendant les galipettes.
- …
- T’es encore là ?
- Euh ? J’te rappelle demain ?
- J’crois pas nan.
J’en ai plus jamais entendu parler !
Dimanche soir je papote avec un gars de Paris. Il m’envoie sa photo et comme dirait une amie il est (hum) techniquement vaginable ! Il correspond tout à fait à mon genre d’hommes, je cherche d’ailleurs un truc pour enlever les traces de bave et autres substances visqueuses de mon clavier ! On parle boulot, vie quotidienne, tout ça … Quand il me dit qu’il veut entendre ma voix ! Ah ? Il me demande de l’appeler… Wééé mais non ! Pas envie. (j’fais encore ce que je veux non ?). Il insiste le bougre, alors je m’empare de mon casque le branche et commence à lui parler. Il est ravi et me dit que j’ai une voix magnifique. Je lui réponds que c’est moi qui double les films pour adultes. Il passe complêtement à côté d’une blague drôle. J’arrête le micro parce que parler dans le vide ça me gonfle et je passe pour une folle aux yeux de mon chat. Il m’invite chez lui, je refuse, pas le temps ni les moyens, il s’invite chez moi, j’évite la réflexion par une pirouette très adroite (je ne réponds pas), il me parle vacances, je lui expose mon projet, il me parle d’Afrique, je refuse, il insiste ! Raaaaaaaaaah. Je coupe court à la conversation vers 21h, prétextant un dîner (mensonge éhonté, je digérais mon repas depuis plus d’une heure).
Le lendemain soir, il revient à la charge, il veut savoir quand il peut venir chez moi ? Chais pas trop, j’dois avoir un créneau en novembre 2008. Il me demande ensuite ce que j’aime cuisiner, je réponds honnêtement que j’aime les plats simples parce que je suis une fille simple (et parce que j’ai pas envie de me casser la dix-septième lettre [ABC…jusque 17] quand je suis seule surtout), lui me dit qu’il aime le poulet. Et d’ailleurs il aimerait bien que je lui cuisine du poulet !
Là je sais pas ce que le poulet m’a fait dans mon enfance, et je peux plus demander à mes grands-parents parce que ma Môman m’a dit qu’ils sont partis dans un trèèèèèès longs voyage, mais ce mot a causé chez moi comme un déclic. Je ne sais pas ce qui m’a pris mais je lui ai clairement fait ressentir que non, on est pas ensemble, et que non, ça ne risque pas d’arriver ! Que si ça se trouve j’ai le QI et la conversation d’un balai à chiottes, que peut-être tous les soirs je vais cuire son poulet dans l’eau de javel et même le brûler parce que je suis archi-nulle en cuisine ! Il me dit que je suis un peu énervée et qu’il reviendra à la charge me parler demain.
Le lendemain je suis en plein cours par correspondance, j’apprend à une amie comment dompter le code HTML en vue de personnaliser son bloug. J’ai une sorte de guerre civile sur l’écran de mon pécé, la fenêtre èmessène globale, la fenêtre de ma conversation avec elle, un killer-sudoku abandonné à son triste sort, ma fenêtre de paramêtres Canalblog, mon blog, son blog, et plusieurs documents Oueurde avec les copies de ses codes HTML à elle. Bref, j’ai limite besoin d’un GPS pour m’y retrouver ! Mon neurone est en stand-by, je suis over-bookée. Pis il se connecte et me dit bonjour de suite, aaargh une nouvelle fenêtre, comme si j’avais besoin de ça ! Moi pas le temps moi ignorer. Deux minutes après il s’énerve ! « tu réponds pas ??? » … Au bout de trois il m’insulte « T’es vraiment pas sympa ! » Finalement je capitule je lui dis bonjour parce que je suis polie et m’excuse en lui disant que j’étais sous la douche parce que je suis une vilaine menteuse et que je fais encore ce que je veux. Sa réponse « Ah quand même ! » Mais meeeeeerde… je lui réponds que je ne suis pas à sa disposition et que je me réserve le droit de répondre quand je veux et surtout si je veux ! Il me répond qu’il est désolé mais qu’il me voyait comme la femme de sa vie et que c’est la raison pour laquelle il se montrait aussi insistant (lui dit insistant moi je dis lourdingue!)
Sur ce je vous laisse, je vais donner ma démission, publier les bans du mariage, préparer mon déménagement, faire les invitations, j’ai vingt-mille trucs à fair cette semaine !
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